Depuis le 7 octobre dernier, tout ou presque est dit sur l’abomination terroriste d’un côté, sur les dégâts d’une opération militaire de l’autre. La qualification de «conflit» est pour le moins étonnante, comme si les protagonistes étaient placés sur le même pied. Parlait-on de «conflit» quand les troupes hitlériennes envahirent la Pologne? Quand celles de Poutine occupèrent la Crimée, puis le Donbass? Les massacres perpétrés contre Charlie Hebdo ou au Bataclan relevaient-ils d’un «conflit» entre la France et ceux qui attentaient à la vie de ses ressortissants?
D’un côté, les agresseurs; de l’autre, les agressés. Conflit? Pas le moins du monde. Israël a connu des conflits dans le passé, notamment avec ses voisins arabes, mais avec le Hamas (ou le Hezbollah), il s’agit de tout autre chose.
Les terroristes du Hamas qui ont sauvagement assassiné 1.400 personnes se sont attaqués à elles pour ce qu’elles étaient: des juives et des juifs. Qu’importait qu’elles se fussent réunies pour danser au nom de la paix, qu’elles fussent jeunes ou âgées, qu’elles fussent israéliennes ou non. Elles devaient être juives puisqu’elles vivaient sur le sol d’Israël et, pour cette raison seule, elles devaient mourir, par surcroît dans des conditions que les mots ne peuvent rendre.
La règle, ici, est simple: je te tue pour ce que tu es. Nous sommes au cœur de ce que le nazisme avait mis en œuvre sur un plan industriel: la destruction systématique d’individus interdits d’existence une fois pour toutes. Cela s’appelle un crime contre l’humanité. Non pas l’ensemble des êtres humains pris comme un tout, mais l’atteinte irréversible à l’humanité de chacune et de chacun, à l’inviolabilité de son corps et de son esprit.
«Israël a le droit de se défendre», ont clamé de nombreux responsables politiques dans le monde, tandis que quelques-uns y voyaient une vengeance injustifiée dont les populations civiles palestiniennes allaient payer le prix. Comment se défendre quand toute action menée contre des terroristes ne peut aboutir qu’à la mort d’otages ou de Palestiniens servant de boucliers humains? C’est là une question bien connue des psychologues de l’École de Palo Alto: si vous ne faites rien, c’est mauvais; si vous faites quelque chose, c’est condamnable. Dans les deux cas vous avez tort. Cela s’appelle un double bind, une double contrainte, insurmontable.
Une différence fondamentale a cependant disparu de la conscience collective: Israël ne s’en prend pas au Hamas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il fait. Les bombardements de Gaza n’ont pas eu pour but de détruire des vies parce qu’elles étaient palestiniennes, mais de supprimer des terroristes en regard de leurs actes. La règle ici n’est plus «Je te tue pour ce que tu es mais je suis prêt à te tuer pour ce que tu as fait». Il serait préférable, évidemment, de s’emparer des coupables et de les juger, mais à l’horreur de leurs crimes ils ajoutent la lâcheté de se terrer sous des écoles ou des hôpitaux, prêts à tout faire sauter plutôt que d’affronter leur responsabilité.
La vie d’un Gazaoui vaut la vie d’un Israélien, pas plus, pas moins, strictement autant. En vertu de ce principe, faut-il demander à Israël de laisser impunis des hommes qui, contrairement aux nazis qui s’efforçaient de dissimuler leurs méfaits, en sont fiers et les ont filmés avec des caméras GoPro pour mieux les revendiquer à la face du monde?