Le politicien, disait Churchill, songe à la prochaine élection, tandis que l’homme d’Etat pense à la prochaine génération. La première préoccupation, compréhensible, ne doit pas écarter la seconde. Bien au-delà des considérations de politique conjoncturelle, qui ne sont bien sûr pas neutres, il y va de l’avenir du pays. Les grandes orientations du nouveau président de la République seront donc déterminantes.
Que la France soit « apaisée » ne signifie pas que les Français ne doivent pas rester en alerte. Nous ne pouvons nous permettre aucun temps mort. L’exigence de compétitivité comme le traitement de la dette n’ont pas disparu comme par enchantement le 6 mai 2012 au soir. François Hollande, comme Nicolas Sarkozy, sait que la maîtrise de notre destin dépend de ces deux facteurs décisifs. Dans ce contexte, la tentation du repli sur soi ne tient pas une minute face à un examen sérieux de notre situation. Si notre endettement devait s’accroître au lieu de diminuer, si notre compétitivité devait décliner au lieu de se redresser, la France ne compterait plus beaucoup dans un monde en métamorphose ultrarapide.
Toutes les enquêtes révèlent que nombre de jeunes et de seniors envisagent l’extérieur comme une menace. Cette perception alimente un pessimisme qui a enveloppé le pays comme un anesthésiant. La croissance molle et l’inexorable montée du chômage de masse l’expliquent en partie tandis que la concurrence fait peur, parce qu’elle met d’emblée en évidence forces et faiblesses. Tout le problème est que le monde d’aujourd’hui n’est plus le village planétaire dont parlait Marshall McLuhan, mais un immeuble. Dans cette communauté, tous les occupants dépendent les uns des autres. Le repli entraîne vite marginalisation et appauvrissement A l’opposé, la compétition ne peut pas se contenter d’importer des recettes clefs en main, mises au point par d’autres.
Il fut un temps où les cercles de qualité fascinaient. On gommait le principal message japonais : l’adéquation entre une culture et un instrument Inspirons-nous de la logique, pas de la forme. Le management anglo-saxon nous en impose : on oublie qu’il s’appuie sur une éducation qui prône le travail en groupe et privilégie l’objectif à atteindre. Nous pouvons y arriver en réformant notre formation initiale, même en étant plus affectifs. La flexisé- curité à la danoise nous séduit, mais notre Code du travail est rigide : assou- plissons-le. Quant à l’aptitude germanique au dialogue, elle nous paraît aujourd’hui déterminante, mais nous oublions, là encore, notre traditionnelle et historique préférence pour le conflit. Imaginons donc des instances délibératives qui correspondraient à notre comportement souvent éruptif Quelle que soit la nature de la grande mutation en cours – productive, comportementale, géographique, climatique… -, qu’elle débouche sur une refonte du modèle socio-économique existant ou qu’elle invente de nouveaux relais de croissance, elle ne pourra qu’aviver la compétition mondiale.
Aussi impose-t-elle à la France et aux Français, sur une planète de 7 milliards d’habitants, de croire d’abord en leurs qualités propres.
Notre pays dispose d’atouts majeurs : développons-les – à commencer par nos richesses immatérielles immenses -, mais en accord avec notre culture et notre histoire, non seulement pour conserver notre âme dans la concurrence généralisée, mais pour l’emporter grâce à elle. Souhaitons que cette ligne, inscrite dans le temps long, soit celle qu’a choisie notre nouveau président.