Sortir de la crise des endettements souverains exige une croissance soutenue. Toute croissance doit cependant s’inscrire dans la logique du développement durable. Ces deux assertions tracent une étroite marge de manœuvre, dans la mesure où elles renvoient au long terme, alors que la situation critique de certains Etats, Grèce en tête, semble n’imposer que des solutions d’urgence, marquées au sceau du court terme. Depuis plusieurs années, le soutien de Banques centrales comme celle des Etats-Unis ne manque pas, mais l’abondance monétaire n’a pas produit les résultats espérés. La baisse – toute récente – du taux d’intérêt de la Banque centrale européenne va dans le même sens. Gageons que ce ne sera pas suffisant. Non parce que le carburant est inutile mais parce que le moteur lui-même est défaillant.
C’est que la croissance suppose des fondements solides. Elle ne dépend pas de telle ou telle mesure conjoncturelle, fût-elle salutaire à court terme, mais d’un petit nombre de secteurs déterminants pour l’ensemble de l’activité. Au premier rang d’entre eux figure la source énergétique leur permettant de se développer. Le visage économique du xixe siècle n’est pas le même avec le charbon ou avec le pétrole. Sous le règne de ce dernier, il est possible d’identifier ce qu’on pourrait appeler de véritables chocs d’offre. Tour à tour, avec les à-coups d’une histoire qui n’est jamais linéaire, les domaines suivants ont dopé la croissance : l’automobile, l’aviation, la conquête de l’espace, l’informatique, Internet… Chaque fois, ces inventions majeures ont façonné le visage de l’économie, pas seulement d’un point de vue national, mais mondial.
L’observation de la liste de ces chocs d’offre montre qu’ils sont tous d’origine américaine. Certes, le français Cugnot inventa en 1770 le premier véhicule automobile à vapeur, mais l’industrie de masse vint un siècle plus tard d’Amérique. Le français Ader vola sans doute le premier dans les airs en 1890, mais l’aviation américaine conquit le monde. Et ainsi de suite.
Pour sortir du marasme, l’Europe pourrait provoquer à son tour un choc d’offre. Les émissions de co2 liées aux modèles qui s’essoufflent (charbon, pétrole, gaz) et l’inquiétude attachée au nucléaire annoncent un monde bien différent de celui que nous quittons peu à peu. Et puisque la grande question d’aujourd’hui est la conservation des énergies, l’Union européenne devrait concentrer ses forces sur cet avenir, où la maîtrise énergétique sera l’arme absolue du développement durable.
A deux conditions. D’abord, une puissante volonté politique. C’est la prise de conscience. Ensuite, une véritable politique commune aux Etats membres de l’Union. C’est la prise de position. Et comme il vaut mieux se répéter que se contredire, nous défendons ici de nouveau l’idée d’un grand emprunt lancé solidairement par les pays européens – à commencer par le couple franco-allemand retrouvé –, consacré à la recherche fondamentale et à ses applications possibles dans le champ de la conservation des énergies, notamment bien sûr les renouvelables.
De tels investissements, décisifs, seront financés par des eurobonds, qui ne doivent pas être des titres mutualisant les dettes actuelles, comme on le dit faussement ici ou là, mais des obligations souscrites par la population européenne pour financer de nouveaux projets majeurs. Ils seront ainsi porteurs d’Europe et soutiens de croissance pour le monde. Cela prendra du temps. Peut-être dix ans. N’en perdons pas. Commençons immédiatement.